culture
Les Atrides et les putrides
États-Unis. Après The Yards en 2000, James Gray revient à la compétition cannoise et signe avec la Nuit nous appartient un grand film noir.
La nuit nous appartient,
de James Gray. États-Unis. 1 h 55.
Revue de presse.
Noir et blanc implacable, couleurs fondues pour dévider la violence des faits divers. L’écusson de la police de New York apposé comme un sceau sur le générique de We Own the Night (La nuit nous appartient), réalisé par le cinéaste James Gray. La précision des images, leur rythme de défilement suffisent à nous situer à des milliers de miles du téléfilm, la cascade d’uppercuts ainsi dispensés nous rapprochant de ce qu’a pu donner le meilleur du cinéma américain indépendant des années soixante-dix. C’est une commémoration haute en couleur des années quatre-vingt qui va prendre la suite. Scène de boîte de nuit aux moirures incandescentes sur la musique de Blondie. Années fric et frime marquent la grandiose ouverture de ce film qui accroche et cramponne jusqu’au bout.
Nous sommes en 1988. La mafia russe, qui a pignon sur les rues de Londres et autres capitales dans le récent film de Cronenberg, les Promesses de l’ombre, en est encore à forcer la porte. Après Little Odessa et The Yards, James Gray rebat avec talent les cartes dont la disposition devait produire les succès mérités de ses films précédents. À commencer par le thème de la filiation. La boîte de nuit aux courants électriques est gérée par Bobby (Joaquin Phoenix) pour le compte de la mafia russe dont le parrain l’a accueilli comme un fils. Dans le camp d’en face, celui de la police new-yorkaise, dont La nuit nous appartient est la devise arrogante et désespérée, officie le propre frère de Bobby, à peine moins gradé que leur père à tous deux, Burt (Robert Duvall, magistral). Bobby, flanqué de son incandescente compagne Amanda (Eva Mendes), va devoir opérer un double choix, moral et affectif. Un seul de ces deux aspects aurait suffi à soutenir une intrigue et les multiples rebondissements auxquels Gray nous convie. Le cinéaste, atypique dans l’univers hollywoodien d’aujourd’hui, préfère la subversion du genre en creusant les interrogations qu’il suscite.
De la tragédie grecque aux récits bibliques, les paraboles du bon et du mauvais fils sont ici traduites en vertiges, ponctuant son affaire de scènes d’anthologie. Aux froideurs pluvieuses et délavées des extérieurs où se joue et se rejoue l’ancestral conflit, répondent en contrepoint les surchauffes intérieures. Et le versant moral que Gray semble longtemps privilégier nous verra à la toute fin exemptés du soulagement attendu. D. W.
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